03/05/2025 francesoir.fr  8min #276793

 Roumanie : La justice annule l'annulation de l'élection, Georgescu de retour ?

Élections présidentielles en Roumanie 2025 : un scrutin sous haute tension. George Simion en tête répond à nos questions

France-Soir

Élections présidentielles en Roumanie 2025 : un scrutin sous haute tension

Le 4 mai 2025, la Roumanie organise le premier tour de son élection présidentielle, un scrutin marqué par une crise politique sans précédent et une polarisation extrême. Après l'annulation controversée du premier tour de novembre 2024 et l'exclusion du favori ultranationaliste Călin Georgescu, le leader de l'Alliance pour l'unité des Roumains (AUR),  George Simion, émerge comme la figure centrale de cette course électorale. Cet article retrace l'histoire récente de cette crise, détaille le déroulement des élections, présente les candidats, analyse les sondages, évalue les risques et propose une interview George Simion, tout en intégrant les réactions internationales.

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Interview exclusive France-Soir 15 mars 2025

Contexte historique : une annulation électorale sans précédent

Le 24 novembre 2024, le premier tour de l'élection présidentielle roumaine bouleverse les pronostics. Călin Georgescu, un ultranationaliste jusque-là peu connu, arrive en tête avec 22,94 % des voix, devançant la candidate de centre-droit Elena Lasconi et éliminant le Premier ministre social-démocrate Marcel Ciolacu. Admirateur de Vladimir Poutine et critique virulent de l'UE et de l'OTAN, Georgescu capitalise sur une campagne massive sur TikTok, alimentant une vague populiste dans un pays en proie au désenchantement envers les élites.

Cependant, le 6 décembre 2024, la Cour constitutionnelle roumaine (CCR) annule ce scrutin, une décision rarissime dans l'Union européenne, invoquant des « irrégularités multiples » et des soupçons d'ingérence russe. Des rapports déclassifiés du Conseil suprême de défense nationale (CSAT) révèlent une campagne de désinformation soutenue par Moscou, notamment via TikTok, pour promouvoir Georgescu. Cette annulation, décidée à deux jours du second tour, plonge la Roumanie dans une crise politique profonde, attisée par les accusations de « coup d'État » de Georgescu et de ses partisans.

En février 2025, Georgescu est inculpé pour « fausses déclarations » sur le financement de sa campagne et « incitation à des actions anticonstitutionnelles », des actes toujours non prouvés. Le 9 mars, la Commission électorale centrale (BEC) rejette sa candidature pour les nouvelles élections prévues en mai, une décision confirmée par la CCR le 11 mars malgré un recours. Des manifestations violentes éclatent à Bucarest, où des centaines de partisans de Georgescu dénonçent une « dictature ».

Face à cette exclusion, Georgescu adoube deux remplaçants :  George Simion, leader de l'AUR, et Anamaria Gavrila, du Parti de la jeunesse (POT). Les deux annoncent leur candidature le 12 mars, mais s'accordent pour qu'un seul reste en lice afin d'unifier le vote souverainiste.  Simion, fort d'une mobilisation massive (600 000 signatures recueillies en 48 heures),  devient le porte-étendard de ce mouvement.

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Interview exclusive France-Soir, 7 février 2025

Déroulement des élections

Les élections présidentielles roumaines se tiennent en deux tours, les 4 et 18 mai 2025. Plus de 19 millions d'électeurs sont appelés à voter pour choisir parmi 11 candidats validés par la BEC. Le premier tour, ce dimanche 4 mai, désignera les deux candidats qui s'affronteront au second tour, sauf si un candidat obtient la majorité absolue (peu probable selon les sondages). Les bureaux de vote ouvriront de 7 h à 21 h, et les résultats préliminaires sont attendus dans la nuit.

La campagne a été marquée par une forte présence en ligne, notamment sur les réseaux sociaux, où Simion excelle, à l'image de Georgescu auparavant. Pour contrer les risques d'ingérence, la Roumanie a renforcé la surveillance des plateformes numériques, et Simion a appelé à la présence d'observateurs internationaux pour garantir l'intégrité du scrutin. Le Conseil national de l'audiovisuel roumain a également lancé une campagne contre les contenus illicites en ligne.

Les principaux candidats

Onze candidats sont en lice, mais quatre se détachent dans les sondages :

George Simion (AUR), leader de l'AUR, deuxième force au Parlement, Simion, 38 ans, est un nationaliste charismatique admirateur de Donald Trump. Il prône une « Roumanie patriote », s'oppose à l'aide militaire à l'Ukraine et défend une Europe des nations souveraines.

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Questions des lecteurs de France-Soir à George Simion le 3 mai 2025

Nicușor Dan, maire indépendant de Bucarest, il incarne une option modérée et pro-urbaine, attirant les électeurs lassés des partis traditionnels. Il est crédité de 20 % des intentions de vote.

Crin Antonescu, candidat de la coalition pro-UE au pouvoir (PSD-PNL-UDMR), cet ancien leader libéral mise sur la stabilité et l'ancrage européen. Il recueille environ 19 %.

Victor Ponta, ancien Premier ministre social-démocrate, il tente un retour avec un discours populiste modéré, obtenant 15 % dans les sondages.

Elena Lasconi (USR), arrivée deuxième en novembre 2024, ne recueille plus que 7 % et semble hors course pour le second tour. Anamaria Gavrila, bien que candidate initialement, s'est vraisemblablement retirée pour soutenir Simion.

Les derniers sondages

Les sondages récents placent George Simion en tête avec 29 à 35 % des intentions de vote, porté par l'électorat souverainiste de Georgescu. Nicușor Dan et Crin Antonescu suivent avec 20 % et 19 %, respectivement, tandis que Victor Ponta ferme le quatuor de tête avec 15 %. Ces chiffres, bien que significatifs, restent incertains, les sondages roumains ayant sous-estimé Georgescu en 2024. L'écart étroit entre les poursuivants suggère une lutte serrée pour la qualification au second tour.

Risques liés au scrutin

L'exclusion de Georgescu a exacerbé les tensions. Les affrontements entre ses partisans et les forces de l'ordre en mars témoignent d'un climat volatile. Simion, bien que moins radical, pourrait attiser ces tensions s'il est perçu comme victime d'une nouvelle « manipulation ».

Les soupçons d'interférence étrangère, via des campagnes sur TikTok, restent une préoccupation majeure. Les autorités roumaines et l'UE surveillent étroitement les réseaux sociaux, tandis que Moscou nie toute implication.

Une crise de confiance institutionnelle illustrée par l'annulation du scrutin de 2024 et l'exclusion de Georgescu, perçues comme partisanes par certains ont alimenté la défiance envers la justice et les institutions. Le politologue Alexandru Gussi qualifie cette décision de « manque de fondement solide ».

La Roumanie étant un pays stratégique abritant des bases de l'Alliance atlantique, les observateurs regardent de près ce qui va arriver en cas de victoire de George Simion notamment dans le cadre de la position envers l'UE et l'Otan.

Réactions internationales

L'annulation du scrutin et l'exclusion de Georgescu ont suscité des réactions contrastées.

  • Soutiens à Simion : des figures conservatrices européennes et américaines ont exprimé leur solidarité. Santiago Abascal (VOX, Espagne), Mateusz Morawiecki (ECR, Pologne), et les Patriots for Europe au Parlement européen dénoncent une atteinte à la démocratie et appellent à un scrutin transparent. Aux États-Unis, William Branson Donahue, des College Republicans of America, loue la « vision patriotique » de Simion.
  • Inquiétudes européennes : l'UE, via la Commission européenne, a lancé des procédures contre TikTok pour « violation présumée » de la législation sur les services numériques, sans interdire directement des candidats. Des médias comme Les Echos s'interrogent sur l'équilibre entre liberté d'expression et préservation de l'État de droit.
  • Critiques souverainistes : sur X, des militants souvent qualifiés sans preuve d'extrême droite par les médias traditionnels accusent l'UE d'instaurer une « dictocratie » en influençant le processus électoral roumain. Ces affirmations, relayées par des comptes pro-Georgescu, ont été démenties par Euroverify, qui souligne que la décision émane de la CCR, non de Bruxelles. Une opacité supplémentaire quand on prend en considération les sorties médiatiques de Thierry Breton et Emmanuel Macron dans les médias.

L'élection présidentielle roumaine du 4 mai 2025 s'annonce comme un tournant pour le pays. La montée de George Simion, dans le sillage de l'exclusion de Călin Georgescu, reflète un profond mécontentement populaire et une fracture entre les aspirations souverainistes et une élite qui semble ne servir qu'un projet fédéraliste sans se préoccuper réellement des volontés du peuple. Avec des risques de tension, d'ingérence et de crise institutionnelle, ce scrutin est suivi de près par l'UE, l'OTAN et les observateurs internationaux. Le résultat, quel qu'il soit, redessinera le paysage politique roumain et pourrait avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières. France-Soir couvrira l'événement.

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